[ retour ] [ Nouvelles ] [l'album ][anecdotes]


Le fil invisible des vendredis soir

L'hiver, par la grande fenêtre givrée du salon, nous passions une bonne heure à regarder se dérouler au loin le long fil invisible...

Nous étions probablement les seules à le voir malgré la nuit... Ou peut-être y avait-il quelques poteaux de lumières pour marquer la route de Saint-Coeur-de-Marie à l'Ascension... Quatre milles... Les derniers kilomètres à franchir pour ceux qui rejoignaient depuis Québec ou Montréal, le bercail, en haut du village.

Nous croyions reconnaître les feux de route de la voiture... Était-ce leurs couleurs? La marque RAMBLER ? Ah! papa arrive ! Qu'allait-il nous ramener dans ses bagages ? Un chien, du sucre d'érable, des pommes de l'Ile d'Orléans ou de la morue des Escoumins?

Plus que quelques minutes encore... Toute la maison allait changer! Les lumières, les bruits, la détente...

Enfin, les ombres qui dansent dans les fenêtres, la lumière qui s'accroche dans les bouleaux ! Elle fait danser les ombres sur le piano ! Sur les murs en simili-bois.

Plus tard le fil invisible se tisserait avec d’autres lumières. Ce serait Gilles qui arriverait de Chibougameau, Gaby de Québec, Claude de Chicoutimi ou Raynald de Baie-Comeau, et nous n'aurions d'yeux que pour l'arrière de leur voiture. Où sont les enfants ? Debout ou à genoux sur le canapé, en bouclettes d'or... ?

Ah ! Ils sont là ! C'est la fête ! Nous aurions déplié tous les lits, fait toutes les chambres, rempli le frigo et distribué les places ! Les grands arrivent ! Ils nous ramènent des histoires, des rires, des jeux... Le vol plané de Claude... mémorable !

Pour nous qui étions encore au bercail toute la semaine, la maison avait été trop calme, trop silencieuse... Enfin des bruits, des rires, des discussions politiques houleuses, des corvées collectives... et puis les préparatifs du samedi soir...

Rachel


[ retour ] [ Nouvelles ] [l'album ][anecdotes]