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Le lundi de Fernande, les oranges de Fredo
Chapitre 2
Si Arthur avait eu le souffle court ce jour-là il avait quand même gagné sa course. Mais Clément lui ? A cause des mouches de la Métabetchouan peut-être, ou probablement parce quil était sur le siège den avant , alors que les femmes , elles, étaient à larrière , notre Clément na pu la gagner , la course, Pauvre lui, il nétait même pas parti ! Le 14 est passé et il na pu réaliser ses plans . Il est quasi désespéré. Que va-t-il faire ? Il décide de se confier à son père, grand maniganceux et trafiqueur de situations spéciales, qui tente de le consoler en lencourageant à ne pas perdre espoir.
-Refusé nest pas battu, lui dit-il. Va rencontrer ses parents et explique-toi avec eux.
Après le dîner, nos mariés de la nuit sont partis en ville faire des courses : passer chez le notaires, acheter des alliances et tout le reste.
Cest le grand calme à la maison. Papa lit son journal. Maman a déjà commencé le souper de noces des familles Boivin et Fleury. Soudain on voit paraître un passant . Il vend des oranges et achète des peaux de veaux à $1.00 lunité. Cest le cousin Fredo. Il fait ce petit commerce par les maisons pour samuser et avoir du fun avec le monde. Cest un homme jovial, qui aime rire et jouer des tours.
Ce jour-là , a-t-il fallu que le ciel nous lenvoie pour une mission assez compliquée, me direz-vous ? Cétait le passant sympathique que papa aimait bien. Dautant plus que cétait son neveu , le mari de la cousine Eugénie. Ce jour-là , les nouvelles ne manquent pas. Il sempresse de dire :
-Mon oncle jai su que Rolande sest mariée cette nuit dans cette « course au mariage ». On ne fait que parler de ça dans chaque maison où je vais.
Dieu quil sen est fait de ces mariages en vitesse! En mapercevant, il demande à papa:
-Pourquoi donc Fernande ne sest-elle pas mariée, elle aussi ?
Papa lui répond quil y a bien un petit Collard qui vient faire son tour, mais rien de plus. Notre Fredo se montre très intéressé et veut en savoir plus long.
-Comment le trouvez-vous, son petit ami ?
A cette question, papa lui répond que cest un jeune homme fort sympathique et surtout un bon travailleur. Sur ce, il se prépare à sortir pour aller aux champs et Fredo le suit.
Au même moment, notre Clément arrive en bicyclette. En me voyant, il me fait part de ses projets et se demande si mes parents accepteraient quon se marie la journée même. A cela, je réponds quil a tout à gagner et que, si chez-nous donnent leur consentement, jaccepterai de me marier.
Notre ami Fredo est toujours dans les parages, lil et loreille aux aguets. En entendant Clément faire sa demande à papa, le voilà quil décide de prendre notre affaire en main. Il dit à papa :
-Mon oncle, ce jeune veut marier votre fille. Dites-lui oui et je vous récompense.
Et le voilà quil tire de sa poche un dollar. Et chaque fois que papa dit oui, il lui en distribue un autre et puis un autre, tout en samusant bien de la situation.
-Fredo, dit enfin papa, le drôle a assez duré. Reprends ton argent. Et puis mon travail mattend dans les champs. Quant à toi, Fernande, entre dans la maison. Ce que ta mère décidera, je serai daccord avec ça.
Je savais à lavance que notre cause était perdue. Mais qui sait, avec laide de ce phénomène, sait-on jamais ?
Maman est en train de préparer le ragoût de noces tandis que Fredo, plein dardeur, se prépare, lui, à se faire le porte-parole de Clément pour lui demander sa fille. Pauvre petite maman! Comme cela devait être pénible, en plus davoir à préparer un gros souper, de faire face à une telle situation ! Elle nétait, pas plus que sa fille, préparée à prendre une telle décision.
Fredo sadresse donc à maman sans détour :
-Ce jeune homme veut marier votre fille aujourdhui. Dites oui, ma tante, et je cours à ma voiture chercher de belles oranges pour vous récompenser.
Tout dabord elle croit à une joyeuse farce. Mais elle se rend bien vite compte que ce mauvais plaisant la place dans un dilemme très difficile. Elle lui répond carrément quelle ne veut aucunement en entendre parler. Mais lui ne veut absolument pas lâcher.
-Dites oui à ce jeune homme, ma tante et vous aurez de belles oranges pour la noce.
-Fredo, jai beaucoup à faire. Ote-toi dans mes jambes, lui commande-t-elle.
-Un petit oui, ma tante, et cest tout.
-Ben oui, ote-toi et ça va faire.
Jamais, chez-nous, on a vu autant doranges. Notre complice en a tellement dit et tellement fait que maman a fini à rendre les armes et dire un vrai OUI. De guerre lasse, elle venait de donner son consentement.
Notre Clément, tout heureux, enfourche sa bécane et dévale le rang, la tête entre les guidons, à la recherche de son oncle le curé qui visite les foyers pour faire signer les registres des mariés de la veille. Il laperçoit et lui demande aussitôt :
-Acceptez-vous de nous marier ce soir ?
-Cest à pas y croire, mon Clément! A 8 heures et demie, nous serons chez le père Fleury pour aller chercher ta mariée.
Il prend soin de préparer notre acte de mariage et de le dater de la veille, le 14 juillet, date limite permise, afin que Clément, lui aussi, soit exempté de la guerre. Cest donc à 9 heures du soir, en ce lundi, le 15 juillet, que notre célébration de mariage eut lieu en léglise de lAscension. Nous étions le onzième couple à participer à cette incroyable course au mariage. Aujourdhui bon nombre sont disparus. Deux de ces couples sont cependant ici ce soir et nous les saluons. Ils ont peut-être reconnu une partie de leur propre aventure. Ce sont :
et nous sommes les troisièmes :Fernande et Clément. |
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Ce qui nous avait préparés à cet événement inattendu, ce fut notre grande foi en Dieu. Cest grâce à Lui si, au fil des jours, nous avons pu tisser beaucoup de fidélité et damour.
Ce soir, nous voulons rendre grâce au Seigneur pour cette vie dunion si bien remplie et lui témoigner toute notre reconnaissance dêtre entourés de nos enfants, petits enfants, parents et amis les plus chers.
Bravo et Merci à tous !
Fernande Fleury et Clément Collard
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