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Y en avait ti d’la neige dans c’ temps là!

Croyez-moi, croyez-moi pas, mais des " forts " à deux étages, ça existait chez les Juneau. Absolument personne va vouloir me croire, mais nous on sait que c’est vrai: les plus vieux, y en ont ti fait des " forts " dans la neige! Pis des " forts " à deux étages à part de ça! À deux étages, vous avez très bien lu, après chaque vraie tempête de neige. Et dans c’temps-là, y en avait des vraies : de vrais hivers avec de vraies tempêtes.

C’était le branle-bas de combat très tôt le matin et v’là m’man libérée de quelques marmots pour la journée: il fallait bien y travailler à la construction de ces " forteresses " à deux étages avec des tunnels… eux aussi à 2 étages!

Tout ça se passait chez les p’tits Juneau, au bout de la rue, en arrière de leur maison au fini tintest (c’était le matériau de finition dans c’temps-là!). Ça nous tenait tous occupés des jours durant et y avait vraiment que les satanés chapelet et " pisse, monte pis couche " pour nous faire lâcher la pelle. On les aimait ti ces pelles-là pour nos aventures! Maudit qu’on était occupés… à regarder les grands façonner ces fantastiques constructions! On les aurait des mois pour s’isoler, se rencontrer, y jouer, y travailler, y oublier notre dénuement. Quels souvenirs à l’horizon!

Pis tant qu’à y être, dans le champ à Ulysse Bouchard, pourquoi pas s’rappeler de….

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Nos premiers coups de patins… de filles.

Avec ses pluies et… l’inexistence de drainage des terres agricoles, l’automne nous fournissait un beau grand lac pour y faire notre propre patinoire de quartier dès le début de décembre. On la grattait à la force de nos petits bras de " flots ". La fin de semaine, on la passait toute à l’entretenir, la glacer, la patiner et à s’y crever. Bon Dieu qu’on était occupés et qu’on sortait de là vidés… mais heureux! Pas de répit, car de la neige, y en avait dans ce temps-là et on n’avait pas de souffleuse. Non, tout était fait à bras.

Mais trop tôt, en janvier ou février, on manquait de flotte, et donc de glace, car, à force de soutirer de l’eau pour resurfacer la glace et à cause de l’infiltration du précieux liquide dans le sol, on finissait par ne plus en avoir et on devait abandonner notre morceau de glace pour se rabattre sur la patinoire de tout le monde, celle du village, celle du collège.

Et là la honte, qui se déguisait parfois en petite fille étonnée de reconnaître le sexe de nos patins ou en garçon ricaneur, nous accueillait sur la grande scène des autres: avec nos patins de filles teints en noir, nous des gars, des vrais, par de n’importe quel sang, des Collard, des fils à Clément. M’man a ti eu à nous forcer pour qu’on accepte de chausser des patins de filles, les patins de ma tante Marie-Paul, avec de la fourrure, ceux de ma tante Margo, avec un beau talon noir très haut, un vrai patin de fantaisie… de fille!. Pourtant, dans le champ, on était Boum Boum Geoffrion, Rocket Richard ou Gordy Howe. On patinait bien, mais pour le vedettariat, comme on n’avait pas les moyens en plus de se payer souvent des hockeys neufs (avec de la colle, quelques petits clous et beaucoup de tape, on les réparait), nos rêves… en prenaient pour leur rhume.

Y a bien Gaby qui a joué… comment ça s’appelait déjà? Oui, je pense qu’y a joué intermédiaire avec les Guay et les Harvey. Et intermédiaire, c’était au moins le junior d’aujourd’hui. Maudit qu’y patinait et qu’y jouait bien. Pis y avait peur de personne à part de ça: c’était un Collard.

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Pis le goût de la mer :
du Saguenay ou de l’Ascension?

Quand toute cette neige fondait, on ne s’ennuyait pas longtemps dans ce temps-là. En effet, les lacs, qui se formaient dans les champs et même en arrière de la maison certaines années, nous fournissaient plein de nouveaux jeux. On n’était tout de même pas pour regarder bêtement cette belle eau bien froide et limpide ruisseler ou se retirer sans que nous ayons tiré parti de ce beau terrain de jeux Et pas pour des barrages, du moins pas nécessairement.

Le temps des beaux radeaux était enfin arrivé pour les beaux Bozo au nez morveux de s’être bien mouillé les pieds la veille, quand, au matin, m’man devait nous faire comprendre qu’il était temps d’aller prendre l’air dehors pour lui en laisser un peu en dedans.

On cherchait, à notre 25ième anniversaire de mariage cet été, d’où ça nous venait cette eau-là dans nos veines. C’est vraiment là que Raynald et moi, on a fait nos premiers virements de bord, nos premières expériences de navigation quoi.

On ramassait tout ce qui flottait, tous les bouts de bois qu’on avait laissés à la traîne l’automne, et on se fabriquait un radeau, ou ce qui pouvait y ressembler, pour naviguer sur notre mer, le jardin aujourd’hui. On n’a jamais été bons pour cultiver quoi que ce soit, mais pour naviguer, on y était. On a ti rêvé d’avoir un bateau, de s’en construire un. Je me rappelle des longs moments passés à magasiner dans " Mecanic Popular ". Hé qu’y avait des beaux bateaux: des plans de " crusers " de 24, 26, 30 pieds! Y étaient jamais assez gros. Bon Dieu que j’en ai rêvé de ces bateaux.

On rentrait mouillés, dégoulinants, enrhumés, gelés, transis, fatigués, mais pleins de rêves. Robinson Crusoé, c’était nous, car ça finissait toujours par un naufrage et flop à l’eau. C’est certainement là que l’eau nous est entrée dans les veines.

Claude.


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